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Chers amis,

J’ai donc passé trois jours à Rome pour participer à la Conférence sur la non-violence…

J’avoue que je n’espérais plus une telle initiative !

Tout s’est bien passé…

Etant le seul participant français – pourquoi, je n’en sais rien –, je m’efforce de faire connaître cet événement exceptionnel…

Tout amicalement

Jean-Marie Muller

Faire prévaloir l’Évangile de la non-violence dans la pensée et l’action de l’Église

 Jean-Marie Muller*

 À l’initiative du Conseil Pontifical Justice et Paix et de Pax Christi International s’est tenue à Rome du 11 au 13 avril 2016 une conférence internationale intitulée « Non-violence et paix juste : une contribution à la compréhension de la non-violence et à l’engagement envers celle-ci de la part des catholiques.» Nous nous sommes retrouvés quelques quatre-vingts participants venant d’Afrique, des Amériques, d’Asie, d’Europe, du Moyen-Orient et d’Océanie. Notons la présence de plusieurs évêques et de nombreux théologiens. Dès avant le début  de cette rencontre, nous avions reçu une note qui précisait clairement qu’il était urgent de repenser la compréhension catholique de la non-violence.

Pendant ces trois jours, dans une ambiance particulièrement chaleureuse, nous avons pu partager nos réflexions et nos expériences. Nous avons été unanimes pour affirmer que tout au long de sa vie Jésus a témoigné de la non-violence et que les Chrétiens avaient l’obligation morale de devenir eux-mêmes des témoins de la non-violence.

Le pape François a adressé aux participants un message qui a été lu par le Cardinal Peter Turkson, Président du Conseil Pontifical Justice et Paix. « L’humanité, affirme François, a besoin de rénover tous les meilleurs outils à sa disposition pour aider les hommes et les femmes d’aujourd’hui à réaliser leurs aspirations pour la justice et la paix. En ce sens, vos idées sur la revitalisation des outils de non-violence, et de non-violence active en particulier, seront une contribution nécessaire et positive. C’est ce que vous vous proposez de faire en tant que participants à la Conférence de Rome.» Il précise : « Dans notre monde complexe et violent, c’est une entreprise véritablement formidable de travailler pour la paix en vivant la pratique de la non-violence ! (…) Nous pouvons nous réjouir à l’avance de l’abondance des différences culturelles et de la variété des expériences de vie parmi les participants à la Conférence de Rome et celle-ci ne fera qu’augmenter le niveau des échanges et contribuer au renouveau du témoignage actif de la non-violence comme une « arme » pour réaliser la paix.»

La Conférence a adopté un document qui appelle l’Église catholique à s’engager à faire prévaloir l’importance centrale de « l’Évangile de la non-violence. » Ce qui est remarquable, et probablement décisif, c’est que les participants ne se contentent pas d’ajouter un paragraphe sur la non-violence dans la doctrine de la légitime violence et de la guerre juste, mais qu’ils remettent en cause cette doctrine au nom de l’exigence de non-violence. « Ceux d’entre nous, est-il affirmé, qui se situent dans la tradition chrétienne sont appelés à reconnaître le caractère central de la non-violence active dans la vision et le message de Jésus. (…) Ni passive, ni faible, la non-violence de Jésus était le pouvoir de l’amour en action. De manière claire, la Parole de Dieu, le témoignage de Jésus, ne devraient jamais être utilisés pour justifier la violence, l’injustice et la guerre. Nous confessons qu’à maintes reprises le peuple de Dieu a trahi ce message essentiel de l’Évangile en participant à des guerres, à la persécution, l’oppression, l’exploitation et la discrimination.»

Et puis vient ce passage décisif : « Nous croyons qu’il n’existe pas de « guerre juste ». Trop souvent la « doctrine de la guerre juste » a été utilisée pour approuver la guerre plutôt que pour l’empêcher ou la limiter. Le fait même de suggérer qu’une « guerre juste » est possible mine l’impératif moral de développer les moyens et les capacités nécessaires pour une transformation non-violente du conflit. Nous avons besoin d’un nouveau cadre éthique qui soit cohérent avec l’Évangile de la non-violence. »

Dans leurs conclusions, les participants appellent à ne « plus utiliser ni enseigner la « théorie  de la guerre juste », mais à « promouvoir les pratiques et les stratégies non-violentes (la résistance non-violente, la justice restaurative, la protection civile non armée, la transformation des conflits et les stratégies de construction de la paix) ». Soulignons également qu’il est demandé de plaider pour « l’abolition des armes nucléaires » Enfin, les participants « appellent le Pape François à partager avec le monde une encyclique sur la non-violence et la paix juste ».

Le malheur, jusqu’à présent, était que l’Église, d’une part, prêchait l’amour et, d’autre part, justifiait la violence. Entre ces deux discours, il y avait un vide immense, la partie manquante étant précisément la non-violence. La Conférence de Rome propose de remplir  ce vide.

Cette rencontre propose donc un renouvellement en profondeur de la pensée de l’Église sur la question de la violence qui veut rompre avec la doctrine séculaire de la guerre juste pour proposer aux Chrétiens de devenir des acteurs de la non-violence. Cette rupture qui est un ressourcement évangélique s’apparente à une véritable révolution copernicienne. Elle pourrait être décisive pour l’avenir même de l’Église.

  • Philosophe et écrivain. Auteur notamment de L’évangile de la non-violence (Fayard, 1969) et de Désarmer les dieux, Le christianisme et l’islam au regard de l’exigence de non-violence ( Le Relié Poche, 2009)
  • Professeur à l’Université Arabe pour la Non-violente et les droits de l’Homme (AUNHOR, Beyrouth)

Site personnel : www.jean-marie-muller.fr