Notre foi en actes.

Il n’y a pas dans nos vies de croyants deux registres séparés qui seraient celui du religieux et celui du monde. Nous nous accordons sur une théologie qui met l’humain au centre : c’est là que nous rencontrons Dieu, c’est ce que signifie l’incarnation. L’évangile nous montre que toute démarche de foi part du vécu. Elle ne se limite pas à de bonnes paroles ou des rappels de listes de valeurs, elle implique des actes qui engagent. Et c’est la démarche que nous voulons suivre ; démarche qui n’est pas seulement individuelle mais celle de notre communauté croyante, celle que nous formons ensemble.

Au sein de Parvis, nous nous étions engagés dans la campagne sur l’accueil des migrants en France : « Ne laissons pas fragiliser le droit de l’étranger » ; ses initiateurs viennent de lancer avec d’autres l’appel : « A la rencontre du frère venu d’ailleurs » auquel nous voulons également participer. Il se trouve qu’il se situe dans le cadre de l’initiative épiscopale Diaconia 2013, qui veut affirmer que selon l’évangile le souci de l’autre, du plus petit, de l’exclu est premier : si nous ne sommes pas tous appelés à des actions concrètes, chacun agissant selon ses charismes propres, les groupes de chrétiens qui s’engagent au nom de leur foi sont au coeur de la communauté, et celle-ci doit les entendre et les soutenir.

Les 18 associations qui portent l’appel estiment que le comportement de l’électorat catholique pratiquant, et en particulier celui des jeunes, qui adhèrent plus largement que la moyenne des Français aux idées du Front National nécessite que l’on rappelle avec force qu’elles sont incompatibles avec l’Evangile. Elles veulent combattre les préjugés et les amalgames en explicitant ce que sont les différentes situations et en replaçant l’immigration dans son contexte international. Les regards complémentaires de la Cimade et du CCFD-Terre Solidaire montrent l’importance qu’il y a à élargir le regard. Le migrant dépourvu de droits et rejeté sur notre sol n’y est pas né spontanément : le parcours qui l’a conduit chez nous dépend d’une situation internationale dans laquelle nous sommes acteurs.

Dans la mouvance de Partenia, nous avons vocation à rejoindre les plus fragilisés socialement. Qui sont-ils ? Comment les rencontrons-nous ? Qu’apportent-ils à l’humanité qui est en nous et à notre foi ? A notre manière de l’exprimer ? Notre foi est d’abord relation.

C’est notre façon de répondre au titre du dossier « Croire aujourd’hui ».

Les personnes fragilisées que nous côtoyons :

Roms. Sans Papiers.

Personnes démunies (financièrement, culturellement, socialement, pas ou mal logées,…).

Détenus en Maison d’Arrêt.

Malades en hôpital psychiatrique.

Personnes étrangères cherchant à apprendre le français et à s’intégrer en France.

Paroissiens occasionnels et éloignés de l’Eglise.

Des constats induisant chez nous des comportements et des actions.

Lesquels ?

Des difficultés de contact (cas des Roms, par exemple) nous amènent à  découvrir d’autres langues, cultures, modes de vie et d’éducation etc…

Nous apprenons à nous laisser surprendre, à ne pas nous comporter en dominants, et plutôt, les accompagner dans leurs démarches (notamment administratives et scolaires), pour les aider à être autonomes. Il n’y a pas celui qui sait et celui qui « ne sait pas ».

20 enfants de familles étrangères « sans papiers », non scolarisés à cause du refus obstiné du maire (soutenu par certains parents français) et du manque de réactivité de la Préfecture.

Un couple de Partenia 77 participe à un collectif qui se crée sur place (parents, associations, partis) pour l’organisation de manifs devant la mairie puis la Préfecture. Résultat : accueil de ces enfants à l’école… en Mai ! A suivre lors de la prochaine rentrée, avec vigilance et imagination (insertion de ces enfants).

A partir d’un constat de problèmes de logements pour des habitants de HLM, une participation active et suivie à des actions et réunions de quartier et à des contacts avec le maire et les familles concernées.

Partant de difficultés à trouver des modes d’expression liturgiques adaptés à des publics éloignés de l’Eglise : laisser s’exprimer à leur façon des personnes qui ne le font pas habituellement.

Exemples : en paroisse (obsèques, mariages, baptêmes) ou en prison (célébrations).

Constatation de l’existence de Sans papiers isolés et démunis devant des procédures judiciaires plus ou moins inhumaines et déshumanisantes.

Action : visite de Sans Papiers enfermés en Centre de Rétention du Mesnil Amelot (Seine et Marne), ou rencontre, au tribunal, de la personne jugée et, si possible, du ou de la juge et de l’avocat(e).

Avec d’autre associations et réseaux, telles que RESF, la Ligue des Droits de l’Homme, la CIMADE et les Cercles de Silence, participation à une structure départementale (Observatoire Citoyen 77) de l’Observatoire de l’Enfermement des Etrangers.

Un groupe de musiciens engagés auprès des Sans Papiers crée un spectacle sur les Roms (« Cabaravane »). Un couple de Partenia 77 les héberge.

Constat : les préjugés et l’exclusion ont souvent pour cause principale l’ignorance.

Action : dans le cadre d’une association, on crée des occasions de rencontres et d’échanges (fêtes de quartier, activités partagées par tous, gym, randonnées, couture, cuisine, sorties culturelles etc…).

Des bénéficiaires des Restos du Coeur ne sont pas toujours accueillis comme des personnes autonomes et responsables, ambiance d’automatismes routiniers.

Action : café-contact sur place, créant une ambiance amicale et permettant des échanges entre bénéficiaires et bénévoles.

Constat : des exclus (que nous laissons exclure ?), une opinion publique peu informée des situations concrètes et des droits des étrangers, des citoyens et des politiques qui manient des préjugés et des amalgames, des responsables économiques et politiques considérant le migrant comme une « variable d’ajustement économique ».

Actions : aide aux Sans Papiers en vue de leur régularisation, réaction auprès des préfets, documentation et formation sur les droits des étrangers, transmission d’informations à l’attention du public (mails, panneaux, pétitions), discussions ponctuelles (Cercle de Silence, famille, rencontres,…).

A travers ces faits et ces actions, il nous semble repérer quelques finalités communes et quelques questions de fond sous-jacentes. Les voici.

Pour créer et développer des solidarités, mettre dans notre société plus d’amitié, de paix, de justice, de respect de l’autre, de vérité entre les personnes et entre les groupes, d’espoir,… et (pourquoi pas ?) d’humour, et faire du chemin avec d’autres :

– lutter contre la routine et le fatalisme (bof ! « ça a toujours existé ! ») ;

– débusquer et contrer de soi-disantes « évidences » et le langage du prêt-à-penser » ;

– changer notre regard sur les évènements, sur les personnes, et sur le message du Christ (riche en paroles et comportements « subversifs »…) ;

– exprimer (en paroles et en actes) notre solidarité avec les exclus ;

– ne pas hésiter à questionner (voire contester) les responsables politiques (maires, députés, préfets, ministres, président), mais aussi des responsables religieux (… le Christ l’a fait en son temps et dans son pays !).

– une véritable institutionnalisation du droit au logement s’impose. La loi DALO va dans ce sens, mais ne passe pas encore beaucoup dans les faits, par insuffisance de constructions de logements sociaux

– chrétiens ou non, exerçons notre vigilance ;

– annoncer l’Evangile avec les exclus, c’est leur laisser la parole et les écouter.

Faire participer ceux qui ne savent ni lire ni écrire.

– ne pas négliger le rôle positif que peuvent jouer révoltes et utopies ;

– pour la petite histoire : l’une d’entre nous, arrivant enfant en France avec sa famille, se faisait traiter de « sale Belge » par ses camarades de l’école du village.

– on a quelquefois peur de ceux qui sont différents, quelle que soit leur différence, par exemple :étrangers, handicapés, malades mentaux. Et on a d’autant plus peur qu’on ne les connait pas et qu’on ne vit pas avec eux. Cela explique peut-être que le vote pour le Front National est fort (autour de 20 %) dans certaines campagnes, et relativement faible dans des secteurs où vivent côte à côte une centaine de nationalités.

Exemple : Seine-Saint-Denis.

– ce n’est pas par pitié ni par compassion que nous agissons. Nous essayons de faire passer dans notre vie le message de libération et d’émancipation que le Christ nous a transmis.

– pouvons-nous encore « prier pour les pauvres »… et ne pas lever le petit doigt quand la ville où nous habitons refuse de construire des logements sociaux que la loi lui impose ?

N’ayons pas peur de provoquer des changements, y compris dans notre Eglise, n’attendons pas des consignes ou des autorisations pour faire. Cela a été une démarche du Christ. « Le Saint Esprit souffle où il veut » !

Au total, quelques particularités importantes de nos moyens :

– démarche collective

– démarche libératrice

– démarche pédagogique : découverte et reconnaissance du potentiel de l’autre, de son mode de fonctionnement, de sa culture, et construction d’un véritable échange.

Bernard Jarry et le groupe Partenia 77