L’ Assemblée de Redes Cristianas 6,7 décembre 2013

Le chemin de St Jacques

Ça n’est pas pour un pèlerinage que j’ai pris le chemin de St Jacques de Compostelle, mais pour assister le 6 et 7 décembre dernier, à l’Assemblée de Redes Cristianas, les Réseaux Chrétiens Espagnols dont c’était la quatrième Assemblée. Un échange d’invitations puisqu’une semaine plus tôt, pour l’Assemblée Générale de Parvis, nous avions avec nous à Lille, un ami de Redes Cristianas (RC ) : Hugo Castelli.

Le ton de cette assemblée était donné d’emblée par son thème : « Faire bouger les réalités, provoquer des révoltes avec Jésus de Nazareth »* 

Entre nos deux Assemblées, beaucoup de ressemblances sur lesquelles je ne m’appesantirai pas : préparation avec et par les groupes locaux de Galice où se situe Compostelle. Même tranche d’âge des participants, même durée d’assemblées, même forme de célébration et grosso modo, même type d’organisation. Mais aussi, et c’est sur elles que j’insisterai, des différences qui m’ont fait connaître des saveurs nouvelles dont je voudrais vous entretenir.

Qu’est-ce que Redes Cristianas ? 

Redes est un réseau de plus de 200 groupes, communautés et mouvements catholiques de base, crée en 2005. Son siège est à Madrid et son Assemblée se tient tous les deux ans. Plus de 200 personnes étaient réunies à Santiago, mais beaucoup n’avaient pu rejoindre le Nord de l’Espagne : trop loin, trop cher.

C’est une Coordination Nationale qui assure l’animation et la régulation du réseau tandis que deux assemblées de représentants ont lieu chaque année. Pas de revue papier comme la nôtre à Parvis mais la publication chaque semaine d’un éditorial sur des sujets d’actualité. Voici quelques extraits de la présentation que les amis de Redes font de leurs réseaux :
« Nous prétendons être une autre voix, critique et alternative »… « Nous sommes tous et toutes mus par les mêmes désirs de transformation et de changement….Nous voulons aider à trouver des réponses aux grands problèmes qui se posent, tant dans la société que dans l’église Inspirés de l’évangile et de Vatican 2…
L’Eglise a besoin d’une transformation profonde dans toutes ses dimensions : bibliques, théologiques, éthiques et morales, pastorales et liturgiques, mystiques et organisationnelles » 

Un pied dedans, un pied dehors 

Le vendredi 6/12 au matin, une visite de Santiago fut proposée à celles et ceux qui étaient déjà arrivés à l’hôtel-auberge de la Salle (prononcez la Saillé en espagnol mais il s’agit de Jean Baptiste de la Salle- avec à côté son école des Frères des écoles chrétiennes. Les écoles catholiques sont nombreuses en Espagne et les cours de religion cristallisent les oppositions entre partisans et opposants du concordat signé entre l’état et l’église catholique).
Nos travaux auront lieu un peu plus loin, à la Faculté des Sciences de l’ Education.
Notre assemblée avait donc, si l’on peut dire, Un pied dans la chrétienté, l’autre dans la société laïque..

Une introduction peu banale 

J’en retiendrai trois moments.

-Tout d’abord, accompagnés d’une voix off, trois personnages vêtus et barbouillés de noir, nous ont mimé certains passages des documents préparatoires. J’ai trouvé que cette mise en scène rendait bien visibles les engagements de Redes Cristianas (RC)

– Ensuite, nous avons entendu un texte sur les femmes, écrit et lu par une femme. Lu non seulement en langue castillane c’est à dire en espagnol, mais traduit en basque, catalan et galicien « pour parler haut et fort les langues de la périphérie » : Ces langues, comme vous le savez peut être, sont de la première importance pour les régions concernées. Ce texte d’affirmation féministe dénonçait les violences faites aux femmes.  Nous avons entendu, au féminin, des mots masculins, heureux dépaysement ! Car Il s’agit, disait le texte de « Parler au féminin pour rendre visible la visibilisation des femmes. « Notre visibilité est de travailler aussi à votre dignification à vous, compagnons hommes. »

Plus loin, « nous sortons avec Jésus de Nazareth du socialement correct, de l’ecclésialement acceptable. Et encore : Enlever cette robe de petite fille bonne et obéissante qui m’étouffe. On me l’a faite à la maison, on me l’a faite à l’école, au catéchisme, au travail, dans la paroisse et dans le parti. Je suis cousue de partout dans ma robe trop étroite, tout mon corps a mal. »
Des comités de femmes présents dans plusieurs régions, entre autres en Galice et en Catalogne, entretiennent des liens transversaux au sein de RC, ces liens étaient très perceptibles au cours de ces journées.

Faut-il rappeler que notre mot machisme est un mot d’origine espagnole : machismo et que sans doute, le chemin de libération des femmes dans la société et dans l’église espagnoles, part de plus loin encore que le nôtre en France.

– Enfin, de courtes phrases rédigées et présentées par des associations, ont été fixées sur un support peu banal.

En voici quelques unes que j’ai notées au passage :

– Sans rénovation, il n’y a pas d’évolution

– La solidarité, c’est la tendresse des pauvres

– Jamais plus

– Dans l’Eglise et hors de l’Eglise, nous sommes anti-système.

– Faire en sorte que l’économie soit un service et non un ennemi.

Ces phrases et d’autres encore furent disposées sur un grand filet de pêche, au delà de la symbolique que cela implique, il faut savoir que le mot redes signifie en espagnol, non seulement réseaux mais filets.

Une diversité d’ ateliers 

Se sont tenues deux séries d’ateliers, soient au total, douze ateliers différents sur les deux jours, préparés et animés par des groupes, mouvements ou communautés, membres de Redes. Mis à part les ateliers 1 et 7 concernant l’Appel au peuple chrétien, les dix autres, se sont partagés à égalité questions de société d »une part, questions ecclésiales et spirituelles d’autre part. Ces ateliers furent, me semble t-il, un bon reflet de ce que sont les RC. Dans l’intitulé des ateliers figuraient le plus souvent les mots exprimant la révolte et la résistance, la transformation et le changement.

J’ai donc participé à deux ateliers. 
L’étonnant atelier 3, intitulé : «Quelques concepts fondamentaux transformant la théologie des communautés» a été conçu et animé par des communautés de la région de Murcie, à partir de leurs recherches sur le Dieu de l’univers, recherches prenant en compte les découvertes de la science. Dieu participant de l’évolution de cet univers en expansion. « Dieu doit surgir tout naturellement de l’intérieur de l’expérience globale et holistique que nous avons de l’univers et de nous mêmes : en comprenant que la vie fonctionne de façon dynamique, en expansion, évolution et autoréalisation.»

J’ai admiré que des gens comme on dit « de la base » aient osé s’attaquer à un pareil sujet, ils ont présenté une vidéo et remis un livret à chacun des participants en fin d’ atelier : du beau travail !

Le 2° atelier auquel j’ai participé m’a prouvé, s’il en était besoin, que rien ne se décide, rien ne s’organise juste en claquant des doigts. Mais de quoi s’agissait-il ? De Madrid 2015, un grand projet d’Appel au peuple chrétien, au cours d’un rassemblement national et même international puisque des Sud-Américains seront invités à l’occasion du cinquantenaire de la clôture de Vatican 2.

D’après le document préparatoire, ce qui doit se construire là, le sera à partir des quatre piliers suivants :
– la laïcité et l’affirmation de «l’autonomie de la société dans tous les domaines, (philosophique,scientifique, politique, éthique…)
-La pauvreté comme lieu de vie et d’interprétation
L’interreligieux comme fin de la voie unique
La Fraternité face à l’autorité, comme principe régulateur des relations sociales. » Sont affirmés : une réflexion approfondie sur l’Eglise du 21° siècle, un exposé sur la vie de l’église depuis Vatican 2 jusqu’à aujourd’hui : réussites, avancées, évolutions. Une attitude de collaboration par rapport à l’air nouveau apporté par le pape François.Une conviction : celle de la libération effective qu’apporterait une réforme de l’église institution.
Vaste projet auquel s’ajoute la participation de Redes aux initiatives de Concil 50, prises par le Réseau Européen Eglises et Libertés.

Un mystérieux acte publique 

Quand j’ai vu sur le programme que le samedi, en fin de matinée, était prévu « un acte public » je me suis interrogée : Une conférence de presse peut être ? Ma surprise fut grande quand j’ai compris qu’il s’agissaitd’une manifestation dans les rues principales de Santiago. Un soleil d’hiver éclairait la ville et les parapluies, prévus pour l’occasion, nous servaient plutôt d’ombrelle. Chacun d’eux portait une grande lettre destinée à prendre place dans des mots encore inconnus.
Ouvrant la marche et tenue par des membres de la Coordination, une grande banderole sur laquelle figurait le thème de l’Assemblée, annonçait la couleur. Les mots d’ordre que nous étions invités à reprendre et les tracts distribués, concernaient le chômage. Un taux de chômage faramineux, dépassant les 27% de la population active et touchant un jeune sur deux. Furent dénoncés aussi l’insuffisance des retraites, les expropriations liées à la crise immobilière, la pauvreté et toutes les formes d’ exclusion. Furent demandées plus de justice et plus de démocratie dans une société espagnole en très grande souffrance.
A un moment de la manifestation des revendications ecclésiales ont fusé : nous passions devant l’archevêché !
Arrivés à destination, les parapluies déposés à terre, se sont organisés pour former les mots rebeldias, révoltes… Quelques prises de parole et un manifeste ont clos cet acte public aussi courageux qu’inattendu.

La célébration et la soirée conviviale 

La célébration fut très belle. Nous y avons trouvé cet espace symbolique et structurant, en synergie avec le monde, avec l’évangile – nous nous sommes ressourcés à l’auberge d’Emmaüs- mais aussi avec celles et ceux qui sont engagés dans des mouvements de résistance et de solidarité.
La soirée de vendredi fut très animée : notre dîner s’est achevé par la dégustation d’une spécialité galicienne et par des chants repris ensemble.

Redes Cristianas et Parvis 

Une mini réunion improvisée a porté sur les liens entre nous : Redes, Parvis et le Réseau Européen. Sur ce qui existe déjà et qu’il convient de soutenir à Bruxelles et à Strasbourg, au niveau Conseil de l’Europe et Parlement européen.
Il fut aussi question de PCQVP Publiez ce que vous payez, association dans laquelle des membres de Parvis et de Redes Cristianas sont engagés. J’ai dit aux amis Espagnols que la question internationale étant un des trois axes de nos orientations, Parvis travaille à ce que 2015 soit plus que le simple anniversaire de Vatican 2. Nous avons évoqué à ce sujet la rencontre des Catacombes prévue à Rome pour Concil 50 mais aussi les gestes forts à poser dans nos pays respectifs. En 2015, espérons-le, seront précisées les orientations prises pas le pape François.

Ce compte rendu est bien incomplet, je ne vous ai pas conté tous ces moments vécus : les personnes et les groupes rencontrés, l’amitié partagée.
Je dois dire mon admiration pour ce Réseau espagnol, son organisation et son dynamisme. Dans une société durement touchée par la crise, Redes Cristianas occupe vaillamment son terrain de résistance sociétale et ecclésiale.
Ces dernières années, Redes et Parvis ont fait du chemin ensemble, celui qui reste à parcourir d’ici 2015 et au delà, verra sans nul doute la continuation des échanges entre nos deux réseaux si proches dans leur démarche. Je suis rentrée en France, j’y ai retrouvé sur le Parvis d’autres visages, d’autres cultures mais toujours ces mêmes recherches de sens vers plus d’humanité.

Annie BARBAY