Gaza : une marche pour la liberté.
La « Marche Pour Gaza » : récit d’une aventure mémorable (et photos !)
Publié le 4-01-2010
Nous venons de rentrer du Caire. Le gouvernement égyptien a interdit aux 1360 internationaux de rentrer à Gaza pour manifester leur soutien aux Gazaouis et pour dire NON au blocus. Mais ce faisant, il a nous a amené à créer, à partir de la capitale égyptienne, une situation qui a permis de soutenir de manière encore plus spectaculaire le peuple palestinien.
Ce bilan, ce sont nos amis Gazaouis, qui l’ont rapidement tiré, en nous envoyant des messages de remerciements et de félicitations pour avoir mené des actions au retentissement mondial, concernant le siège qui leur est imposé, et ceux qui en portent la lourde responsabilité. « Les actions spectaculaires et très médiatisées que vous menez actuellement au Caire sont bien plus efficaces pour nous que la visite programmée de la bande de Gaza », nous ont affirmé les organisateurs palestiniens de la Gaza Freedom March.
Récit des faits :
Dès notre arrivée au Caire le 26 décembre, notre groupe de 300 participants français apprenait que le gouvernement égyptien interdisait aux organisateurs américains de la marche de se réunir le lendemain au Collège des Jésuites de la Sainte Famille, afin de permettre aux quelque 800 internationaux de divers pays de faire le point sur la situation. Le même jour, il leur était annoncé que les autocars dans lesquels ils comptaient monter le 28 au matin ne seraient pas au rendez-vous. Nous apprenions également que toutes les personnes, arrivées plus tôt et ayant essayé de se rendre par leurs propres moyens (seuls ou en petits groupes) en direction de Gaza, avaient été arrêtées et se trouvaient bloquées par les forces de l’ordre égyptiennes sur la route, dans leurs hotels ou dans les gares routières. (A noter, que parallèlement, nos amis de la caravane « Viva Palestina », conduite par George Galloway étaient également bloqués par le gouvernement égyptien)
Et le dimanche 27 décembre, un an jour pour jour après les massacres israéliens dans la bande de Gaza, Moubarak allait jusqu’à interdire une commémoration pacifique des internationaux, consistant à déposer sur le Nil des bougies (biodégradables) à la mémoire des martyrs de Gaza.
Le même soir à 19 H, les 300 participants français à la marche se retrouvaient, comme convenu depuis longtemps avec la compagnie de cars AstralEgypt, devant l’ambassade de France, située sur une artère majeure en plein centre du Caire. Juste avant, l’ambassadeur de France, Jean Félix-Paganon, nous recevait dans son bureau, en présence du responsable de la compagnie de cars, qui avait déjà reçu 4100 dollars de notre part, soit 50 % de la facture, pour nous transporter jusqu’à Rafah et en revenir.
Et là, l’ambassadeur nous affirmait en présence de plusieurs témoins qu’il avait l’assurance du gouvernement égyptien que nous pourrions prendre la route en direction de El Arish (40 km avant Rafah), et que nos cars seraient bien présents au RV de 19 H devant l’ambassade, même s’il ne pouvait garantir que nous serions autorisés à entrer dans Gaza.
Ancien contrat en mains + nouvel engagement écrit, en présence de l’ambassadeur, de la part du responsable de la compagnie égyptienne (qui réclamait à cor et à cri le paiement immédiat des 50 % restant à acquitter !), quelques-un d’entre nous partaient chercher les autocars, tandis que le reste du groupe attendait devant l’ambassade.
Après 3 heures d’attente debout, nous apprenions, à 22 H, que les autocars ne viendraient pas nous chercher, et nous occupions alors l’avenue Charles de Gaulle, bloquant la circulation dans toute la capitale en restant assis au milieu de la chaussée, à ce point névralgique d’intense traffic au coeur du Caire.
Une action surprise, rapide, correspondant aux orientations que nous avions décidées en commun, bien avant le départ : réagir de manière déterminée et la plus spectaculaire possible, si nous étions empêchés d’atteindre notre but, et ceci quel que soit l’endroit où nous serions bloqués.
Nous estimions plus probable un blocage par le gouvernement égyptien sur la route, en plein désert, mais ce dernier, comptant sans doute sur le désemparement, et le morcellement des internationaux isolés dans des dizaines d’hôtels différents, en décida autrement.
Erreur fatale pour lui : car les 300 Français se trouvaient regroupés, sans hôtel —puisqu’ils comptaient partir et rouler de nuit—, et très soudés par les rencontres et discussions organisées avant le départ par CAPJPO-EuroPalestine.
Réclamant nos cars et la possibilité de pouvoir nous rendre à Gaza, nous décidions de camper devant l’ambassade de France, déclinant l’offre de l’ambassadeur qui proposait de nous faire conduire au Lycée Français du Caire, et de nous y laisser enfermer sous bonne escorte, jusqu’à notre retour en France (nous conseillant vivement d’anticiper celui-ci, si nous ne souhaitions pas occuper le reste de la semaine à faire du tourisme) .
L’ambassade de France, en liaison avec le Quai d’Orsay, et avec le gouvernement égyptien prit alors quelques mesures de rétorsion à notre égard, limitant l’accès aux toilettes, ne nous permettant pas de recharger quelques téléphones portables au sein de l’ambassade, ni de laisser les plus vulnérables dormir sur sa grande pelouse inoccupée —et payée avec nos impôts.
La sénatrice Alima Boumediene-Thiery, présente à nos côtés, ne s’est pas privée de faire savoir à l’ambassadeur ce qu’elle pensait d’une telle attitude de la part du gouvernement français.
Nous saluons au passage le courage de Monseigneur Gaillot, qui a tenu bon, dormant par terre et vaquant avec le sourire, malgré des problèmes de santé. Un grand coup de chapeau également au doyen de nos participants, Michel Sergent, 82 ans, qui a dormi pendant toute la semaine, en position assise, contre un arbre, et qui a entrainé un groupe de marathoniens tous vêtus des T.Shirts « Palestine Vivra – Boycott Israël » dans les rues du Caire, sous les applaudissements des passants !
Hedy Epstein, 85 ans, rescapée du génocide nazi, qui tentait pour la troisième fois de se rendre à Gaza, est venue le féliciter dans notre mini-blocus de l’ambassade de France la veille du Nouvel An.
Comptant sur la fatigue et les conditions sanitaires déplorables (pas de possibilité de se laver, alors que la pollution était maximale, deux heures d’attente pour accéder à un seul WC pour plusieurs centaines de personnes), le gouvernement français s’est couché devant le gouvernement égyptien, qui obéissait lui-même aux injonctions israéliennes (Netanyahou était d’ailleurs reçu par Moubarak le 29 décembre).
Mauvais calcul, puisque ce durcissement, au lieu d’entamer notre détermination, l’a renforcée. Au point que l’ambassade s’est vu obligée de reculer sur plusieurs fronts, autorisant les gens à sortir pour aller aux toilettes des cafés voisins, faisant installer 4 WC sanisette, renonçant à exiger de voir les passeports français de ceux qui se rendaient aux toilettes, et surtout laissant entrer les délégations d’internationaux de tous pays qui venaient nous rendre visite et nous encourager.
Ce dernier point nous a permis d’établir une coordination très efficace avec les représentants de tous les pays et d’organiser avec eux différentes actions spectaculaires et très unitaires.
Ainsi un rassemblement de protestation, le 31 décembre, réunissait entre 500 et 600 internationaux devant l’endroit le plus fréquenté du Caire (à la fois par les Egyptiens et les touristes), le Musée Egyptien et la place de la Libération, et faisait la une de tous les journaux égyptiens. Le lendemain, un autre rassemblement devant l’ambassade d’Israël au Caire regroupait à nouveau plus de 600 personnes.
Inspirées par notre action devant l’ambassade de France, couverte par les télévisions, radios et journaux du monde entier, les délégations des autres pays ont à leur tour organisé des manifestations devant leur ambassades, avant d’en être délogées.
Pendant une semaine, nous avons réussi, en reproduisant un mini blocus symbolique devant l’ambassade de France, en confectionnant des banderoles visibles de loin,à attirer l’attention des médias jusqu’alors silencieux sur le blocus de Gaza et sur la collaboration honteuse à ce siège de nos gouvernements.
Même les jeunes appelés, massés par centaines devant l’ambassade pour nous empêcher de sortir, pactisaient avec nous et se faisaient constamment rappeler à l’ordre par leurs supérieurs.
Malgré l’action des forces de police égyptiennes qui arrêtaient, embarquaient, intimidaient les journalistes qui cherchaient à nous interviewer, et qui mettaient même des amendes aux automobilistes qui ralentissaient et klaxonnaient pour nous féliciter, le retentissement a été à la hauteur du caractère inédit de telles manifestations dans une dictature qui interdit tout regroupement de plus de 6 personnes.
Au point que les organisateurs américains, un moment tentés par une proposition de Moubarak de sélectionner 80 personnes qui seraient autorisées à se rendre à Gaza, ont finalement décliné cette tentative de division, qui aurait permis au gouvernement égyptien de redorer son blason à peu de frais.
Consultés, nos amis de Gaza, les organisateurs de la Gaza Freedom March, ont vivement conseillé à tous les internationaux de ne pas tomber dans ce piège. Ils ont d’ailleurs accueilli avec la plus grande froideur ceux qui ont malgré tout accepté de monter dans ces deux cars affrétés par Moubarak, et les ont rapidement reconduits hors de la bande de Gaza.
Deux vidéos réalisées par les participants à la marche sont déjà en ligne sur le sitehttp://www.europalestine.com. Un troisième épisode le sera incessamment.
Nous revenons de cette aventure plus déterminés que jamais à mener le combat contre l’inhumanité du siège de Gaza, de l’emprisonnement et de la spoliation de tout le peuple palestinien, par l’occupant israélien. Crimes contre l’humanité qui ne peuvent être perpétrés qu’avec l’assentiment de nos dirigeants, parmi lesquels le gouvernement égyptien qui montre son vrai visage de collabo en construisant un mur destiné à étrangler et affamer davantage encore la population de Gaza.
Des liens très forts ont été tissés entre les représentants de tous les pays durant cette « Marche pour Gaza » stoppée au Caire. Profitons-en pour faire de 2010 l’année qui nous rassemble, pour faire trembler tous ces tyrans !
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Au Caire, l’interdiction de la manifestation, qui rassemble plus de 1.400 délégués venus de 42 pays, provoque des tensions entre activistes internationaux et policiers.
Sit-in devant l’ambassade de France, escarmouches avec la police dans le centre du Caire : les participants à la «marche pour la liberté de Gaza», interdite pour «raisons de sécurité», ont engagé un bras de fer avec le pouvoir égyptien. Bloqués depuis plusieurs jours, les quelque 1.400 délégués, venus de 42 pays, se disent déterminés à se rendre dans la bande de Gaza pour «attirer l’attention du monde sur le sort injuste» imposé au territoire palestinien sous blocus israélien.
Lundi, environ 300 membres français du collectif EuroPalestine ont poursuivi le sit-in entamé la veille devant l’ambassade de France, encerclée par des centaines de policiers antiémeute. Dimanche, ils ont attendu toute la soirée des bus qui devaient les conduire vers Rafah, sans se faire d’illusions sur leurs chances d’atteindre la frontière, mais «avec la volonté de tout tenter». Las, les autorités ont immobilisé les véhicules, comme elles avaient dispersé plus tôt des activistes qui voulaient participer à une veillée aux bougies sur des felouques au milieu du Nil. En colère, les membres d’EuroPalestine ont bloqué pendant plusieurs heures la grande artère devant l’ambassade aux cris de «Palestine vivra, Palestine vaincra».
«On a du mal à comprendre que les autorités aient peur de notre venue, qui ne vise qu’à demander le respect des droits fondamentaux du peuple de Gaza», s’indigne Mgr Gaillot, chef de file de la délégation. «En ce triste anniversaire, nous poussons un cri dans le désert. On est dans l’impasse au niveau international, on ne fait plus rien pour les Palestiniens. Seule la société civile se mobilise. Il faut donner la liberté à ce peuple qu’on asphyxie.»
Situation délicate
Lundi après-midi, les «marcheurs» ont refusé une proposition du ministère égyptien des Affaires étrangères de remettre au Croissant-Rouge l’aide qu’ils ont apportée de France (médicaments, jouets, etc.). Déterminés, ils continuaient d’exiger de pouvoir partir vers la frontière, les autorités menaçant de leur côté «d’évacuer les manifestants par la force», selon un diplomate français. Dans le même temps, une conférence de presse organisée par Luisa Morgantini, vice-présidente du Parlement européen, et Ronnie Kasrils, ex-ministre sud-africain et vétéran de la lutte antiapartheid, a provoqué des bousculades sans gravité avec la police.
La situation est délicate pour l’Égypte, déjà accusée de «complicité» avec le blocus israélien en raison de la construction d’un mur souterrain anti-tunnels à Rafah. Hedy Epstein, une «marcheuse» et survivante de l’Holocauste âgée de 85 ans, a annoncé qu’elle entamait une grève de la faim. À Aqaba, en Jordanie, des membres d’un autre convoi humanitaire, Viva Palestina, auquel participe le philosophe juif américain Noam Chomsky, ont aussi cessé de s’alimenter pour dénoncer le refus du Caire de les laisser transiter par le port de Nuweiba. Hosni Moubarak, qui doit recevoir mardi matin Benyamin Nétanyahou, apparaît plus que jamais sous pression.
Tangi Salaün, au Caire
28/12/200
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