La revue de la Fédération des Réseaux du Parvis

Numéro 65 – Octobre- Décembre 2014

Dossier :

Qui est mon prochain dans une société multiculturelle ?

Editorial

 Dans l’histoire de l’humanité, des femmes et des hommes ont considéré que tout être humain était leur prochain. Ils voyaient en lui leur frère ou leur sœur, leur fils ou leur fille, leur père ou leur mère. Ils rêvaient d’une société fraternelle et ont tenté de la créer sur terre. Certains ont compris le besoin de fraternité par la raison ou la recherche passionnée de l’amour, de la justice et de la paix. Les disciples de Jésus ont en héritage un message de fraternité. Chez les uns et les autres, il y a certainement une part d’inné, un caractère qui facilite la fraternité, mais aussi une part d’acquis reçue par l’éducation et l’exemple. Et tout cela se vit toujours à force de beaucoup d’amour, de réconciliation, de pardon après des doutes et des échecs.

parvis2014_revuenov_couverture.1Des prédispositions n’évitent pas la tentation permanente de réduire la solidarité à sa famille, à ses enfants, à ses parents, à ses proches. Les uns se trouvent enclins à leur assurer confort et sécurité, les autres à assurer la survie de sa tribu, notamment contre celui qui est considéré comme un rival, un profiteur, un voleur. C’est en des conjonctures considérées comme plus difficiles que l’étranger, celui qui est culturellement ou religieusement différent de moi, est rejeté, devient le bouc-émissaire des mes malheurs réels ou supposés.

C’est aussi en ces périodes que l’évangile du Ressuscité prend tout son sens et nous fait vivre dans l’espérance d’une société plus humaine. L’enseignement de Jésus n’est pas une utopie, une fantaisie pour bien-pensants, un supplément d’âme dont on pourrait se passer à certains moments. Jésus a une parfaite connaissance de la complexité des relations humaines et de leurs interactions. Quand une partie de la société est rejetée, discréditée, marginalisée, toute la société se déshumanise.

L’Eglise de Jésus-Christ ne peut être qu’une communauté de pauvres en esprit, qui n’impose pas, qui accepte la différence et s’en enrichit, qui écoute plus qu’elle ne parle. C’est aussi une communauté qui agit, avec et pour les plus pauvres, victimes des injustices humaines, des discriminations religieuses ou qui sont privés d’affection et de respect.

Il y a un large champ à moissonner, une société à investir. Il s’agit d’une mission dans laquelle les chrétiens ont toute leur place, dans une fraternité sincère et humble, avec beaucoup d’autres femmes et hommes. Nous ignorons peut-être qui accueillera nos paroles, qui les entendra, qui en vivra. Mais soyons assurés que de nombreux hommes et femmes  sont assoiffés de justice et veulent ardemment être des artisans de paix, que de nombreux parents souhaitent donner à leurs enfants une éducation au respect de l’autre qui sera aussi source d’un épanouissement personnel. Ils ne savent pas toujours à qui s’adresser au moment où les religions historiques et les idéologies ont perdu de leur crédibilité. Soyons sûrs qu’a travers notre discours imparfait et nos actes fragiles passera la parole de Celui qui a été, qui est et qui sera encore à l’avenir le Chemin, la Vérité et la Vie.

Jean-Paul Blatz

Sommaire du dossier

Qui est mon prochain dans une société multiculturelle ?

Quand Jésus se fait le prochain des hommes de son temps : quelle source d’inspiration pour nous aujourd’hui ? – Jacques Musset.

Jésus a vécu dans une société marquée par de terribles inégalités et dominée par une religion pervertie et génératrice d’exclusion et d’intolérance. Laïc, sans mandat, il s’en prend aux causes des injustices et des oppressions. Soyons fidèles à sa démarche en nous efforçant de vivre de l’esprit qui l’habitait et de l’incarner en paroles et en actes.

Les Droits de l’Homme, nouveau credo universel profane – Naïm Ateek

Dans le passé, l’Eglise ne fut pas toujours respectueuse des droits humains. Néanmoins, le message de Jésus qui fait de chaque homme un prochain, peut être considéré comme une des sources de ces droits. Leur prise en compte a aussi aidé les chrétiens à découvrir un Dieu d’amour et de paix. Mais pourquoi les droits des Palestiniens sont-ils si peu respectés par l’Etat d’Israël, s’interroge l’auteur, directeur de Sabeel, Centre œcuménique de Théologie de la Libération établi à Jérusalem et à Nazareth ?

La gauche et l’universalisme – Jean-Bernard Jolly

Traditionnellement la gauche cherche à promouvoir la liberté et la démocratie dans le monde. Or cet universalisme est aujourd’hui considéré par des penseurs de pays émergents comme un idéal purement occidental dont le principal usage a été l’asservissement intellectuel et politique. La gauche ne doit-elle pas retrouver son âme en développant un projet de promotion universelle de ce que la condition humaine a en commun tout en dénonçant l’exploitation capitaliste elle aussi universelle ?

Multiculturalisme – Jean-Bernard Jolly

Le Canada contemporain a choisi un vivre ensemble fondé sur l’entente et la reconnaissance mutuelle de toutes les identités, celle des premières Nations comme celles des populations anglophones et francophones. Les opinions xénophobes qui apparaissent aujourd’hui dans la confédération ne risquent-elles pas de remettre en question le multiculturalisme qui a pu être considéré comme un modèle de société politique ?

Vers une société « multiverselle » ? – Anthony Favier

Nos sociétés sont devenues multiculturelles et métissées. Dès lors, comment s’ouvrir à l’autre et ses différences sans renoncer au caractère universel de nos lois et de nos institutions ? Comment conjuguer l’universel et le multiculturel ? Ne sommes-nous pas plus unis par des promesses et des projets de vivre mieux que par des héritages pour lesquels il faudrait des brevets de légitimité ?

Expériences interconvictionnelles en école

« Toutes les Croyances et Aucune » est une association britannique formée de personnes de croyances et de philosophies diverses (bouddhiste, chrétienne, juive, hindoue, humaniste, musulmane et sikh) qui ont développé des ressources et des outils pédagogiques pour aider les jeunes à mieux apprendre à se connaître les uns les autres et à mieux appréhender les diverses visions du monde.

Immigré, mon frère en Dieu… – Michel Roussel

Les immigrés sont trop souvent victimes de discriminations culturelles et religieuses. Face au repli identitaire et à la xénophobie ambiante, n’est-ce pas en premier lieu aux chrétiens de créer des chemins de rencontre, d’engager un dialogue respectueux, de partager joies et peines mais aussi de répondre à l’hospitalité même modestement proposée ?

La solidarité face à l’individualisme et au communautarisme – Nicole Palfroy

Des personnes peuvent être solidaires parce qu’elles ont des intérêts communs ou parce qu’elles sont émues par une situation de détresse. Mais l’individualisme ou le communautarisme peuvent se réveiller lorsqu’une municipalité veut construire des logements sociaux ou aménager un terrain pour les gens du voyage. Dans ce cas, le rôle du pouvoir politique n’est-il pas d’imposer des formes de solidarité pour rendre la société plus vivable ?

Le prochain au coin de la rue

La parole est aux habitants d’une commune de 10 000 habitants du centre de la France. Ils racontent leur vie quotidienne. Les petits services qu’ils se rendent les uns aux autres. Les moments festifs passés ensemble. « Dans notre quartier, l’indifférence est exclue » concluent-ils. Pouvons-nous le dire également de notre quartier, de notre village ?

Qui est mon prochain d’après la Bible ? – Georges Heichelbech

Nos société sont traversées de barrières et de frontières qui dessinent les contours d’ excluions sociales politiques et religieuses. Elles lancent aussi un défi aux hommes épris de justice et de paix afin qu’il cherchent à rapprocher le prochain et le lointain, l’ami et l’ennemi, le concitoyen et l’étranger. Ceci n’est pas une option facultative pour le croyant mais partie intégrante de sa foi. Jésus lui-même ne s’est-il pas identifié au prochain ?

Les ouvriers de la dernière heure – Jean-Paul Blatz

Aujourd’hui dans l’Eglise, n’est-on pas tenté de réduire la communauté croyante à un groupe d’anciens qui s’érigent en gardiens des dogmes, de la liturgie et de l’éthique ? Les ouvriers de la dernière heure, qui mettent en cause l’Eglise dans son fonctionnement et sa raison d’être, ne sont-ils pas regardés d’un « œil mauvais » ? Ces nouveaux prochains ne manifestent-ils pas eux aussi la sidérante bonté de Dieu ?

 Jean-Paul Blatz