Et pourqoi pas le convivialisme ?…

Alain Caillé, sociologue, a réuni, dans un manifeste convivialiste, l’aboutissement de discussions au sein d’un groupe d’une quarantaine d’auteurs francophones représentatifs de plusieurs courants de pensée et d’action qui tentent de dessiner les contours d’un autre monde possible en développant une pensée alternative.

Parmi les quarante auteurs nous pouvons citer : Claude Alphandéry, Denis Clerc, Jean-Baptiste de Foucauld, Vincent de Gaulejac, Susan George, Jean Louis Laville, Edgar Morin, Patrick Viveret…

Ceux qui désirent participer au débat, enrichir ou contester les idées peuvent le faire avec cette adresse mail :contact@lesconvivialistes.fr

Un constat :

Jamais l’humanité n’a disposé d’autant de ressources matérielles et de compétences techniques et scientifiques. Prise dans sa globalité, elle est riche et puissante comme personne dans les siècles passés n’aurait pu l’imaginer. Rien ne prouve qu’elle en soit plus heureuse. Mais nul ne désire revenir en arrière car chacun sent bien que de plus en plus de potentialités nouvelles d’accomplissement personnel et collectif s’ouvrent chaque jour.

Pourtant, à l’inverse, personne non plus ne veut croire que cette accumulation de puissance puisse se poursuivre indéfiniment, telle quelle, dans une logique de progrès technique inchangé, sans se retourner contre elle-même et sans menacer la survie physique et morale de l’humanité.

Des menaces sont énumérées :

–        Le réchauffement climatique les désastres et les gigantesques migrations qu’il va entraîner

–        La fragilisation des écosystèmes et la pollution

–        Le risque d’une catastrophe nucléaire

–        La raréfaction des ressources énergétiques

–        Le développement du chômage, de l’exclusion

–        Des écarts de richesse démesurés

–        La multiplication des guerres civiles, tribales

–        Le développement d’un terrorisme aveugle

–        L’insécurité croissante sociale, écologique…

–        Le poids croissant des systèmes financiers et spéculatifs

Des promesses du présent :

Si ces menaces étaient conjurées, que de potentialités et de perspectives d’épanouissement individuel et collectif notre monde recèle :

–        Le triomphe mondial du principe démocratique. C’est au nom de la démocratie que partout dans le monde on se soulève.

–        Il devient donc envisageable d’en finir avec tous les pouvoirs dictatoriaux ou corrompus.

–        La sortie de l’ère coloniale ouvre à un véritable dialogue des civilisations qui peut se construire à partir de la reconnaissance d’une égalité de droits et d’une parité entre les hommes et les femmes.

–        La recherche d’une nouvelle participation et d’expertise citoyennes

–        Les technologies de l’information et de la communication multiplient les possibilités.

–        La recherche de la transition écologique dans les modes de production et d’échange par exemple dans l’économie sociale et solidaire.

–        L’éradication de la faim et de la misère peuvent devenir un objectif accessible.

Il reste des défis à affronter :

–        L’humanité a su accomplir des progrès techniques mais elle est restée impuissante à régler et à résoudre certains problèmes : comment gérer la rivalité et la violence entre les être humains ? Comment les inciter à coopérer pour se développer tout en permettant de s’opposer sans se massacrer ?

–        Comment faire obstacle à l’accumulation de puissance potentiellement autodestructrice.

Des réponses existent :

–        Les religions, les morales, les doctrines politiques, la philosophie et les sciences humaines et sociales… ont essayé d’apporter des réponses quand elles ne sont pas tombées dans un sectarisme, un moralisme ou un idéalisme.

–        De nombreuses organisations et associations défendent les droits de l’homme et de la femme, du citoyen, du travailleur, du chômeur, des enfants…

–        L’économie sociale et solidaire, les coopératives, le mutualisme, le commerce équitable…

–        L’altermondialisme, l’écologie politique, les indignés

–        Les mouvements de la transformation personnelle, de la sobriété volontaire, les théories du care

–        Regrouper mes forces et souligner ce qu’elles ont en commun qui est la recherche d’un convivialisme, un art de vivre ensemble qui valorise la relation et la coopération et qui permette de s’opposer sans se massacrer en prenant soin des autres et de la nature.

–        L’opposition et les conflits peuvent être constructifs car il y a toujours des points de vue et des intérêts différents.

–        Faire droit au désir de reconnaissance de tous et le droit à la rivalité en empêchant qu’il se transforme en démesure mais en favorisant l’ouverture coopérative à autrui.

–        Créer un fondement durable éthique, économique, écologique et politique.

–        Ce fondement se cherche à travers les religions, la référence au sacré : taoïsme, hindouisme, bouddhisme, confucianisme, judaïsme, christianisme, islam… Dans la référence à la raison, à travers les philosophies ou les morales laïques ou humanistes…

–        Il se cherche dans la référence à la liberté et les idéologies politiques : libéralisme, socialisme, communisme, anarchisme

–        Ce qui change à chaque fois c’est l’accent mis sur l’individu (la morale), le collectif (le politique),la nature (écologie), la surnature (la religion), au bien-être matériel (l’économie)

Créer un fond doctrinal minimal partageable pour répondre aux quatre questions de base :

1-     La question morale : qu’est-il permis aux individus d’espérer et que doivent-ils s’interdire ?

2-     La question politique : les communautés politiques peuvent-elles respecter l’humanité, la socialité, l’individuation et

L’opposition maîtrisée ?

3-     La question écologique : que pouvons-nous prendre à la nature et que devons-nous lui rendre ?

4-     La question économique : quelle quantité de richesse matérielle pouvons-nous produire ?

Libre à chacun d’ajouter à ces questions le rapport à la surnature, au spirituel, à l’invisible…

Aucune des doctrines ne donne de réponse satisfaisante. Toutes elles ont présupposé que le conflit entre les hommes nait de la rareté matérielle. Elles pensent les humains comme des êtres de besoin et non de désir. Elles ont mis leurs espoirs dans une croissance économique infinie. Elles ne tiennent pas compte de la finitude de la planète et des ressources naturelles. Avec un taux de croissance moyen de 3,5 par an le PIB serait multiplié par 31 en un siècle. Peut-on imaginer 31 fois plus de pétrole d’uranium ou de CO2 en 2100 ?

La financiarisation générale du monde et la subordination de toutes les activités humaines à la norme marchande, c’est le marché étendu à toutes les activités humaines. Les régulations sociales et politiques ont été détruites au profit des régulations marchandes. Il reste le goût du gain et de la promotion hiérarchique, le pouvoir… Tout semble soumis à une logique comptable, technique et gestionnaire. Si le but de la vie est de gagner de l’argent, alors faisons de la spéculation financière.

Peut-on revenir à une société du « care » et le développement personnel et des politiques publiques valorisant le travail pour autrui. C’est la manifestation que nul ne se fait tout seul et que nous sommes tous dépendants les uns des autres. Le care et le don sont la traduction en actes de l’interdépendance générale du genre humain.

Le convivialisme :

Le convivialisme est le nom donné à tout ce qui, dans les doctrines existantes, concourt à la recherche des principes permettant aux être humains à la fois de rivaliser et de coopérer dans la pleine conscience de la finitude des ressources naturelles et dans le souci partagé du soin du monde.

Quelques principes :

1-     La commune humanité par-delà la différence de couleur de peau, de nationalité… De sexe ou d’orientation sexuelle. Il n’y a qu’une seule humanité qui doit être respectée.

2-     Le principe de commune socialité. Les êtres humains sont des êtres sociaux.

3-     Le principe d’individuation : permettre à chacun d’affirmer au mieux son individualité en développant ses potentialités (capabilités) dans une égale liberté.

4-     Le principe d’opposition maîtrisée. Les humains peuvent s’opposer sans se détruire. Permettre aux êtres humains de se différencier en acceptant et en maîtrisant le conflit.

Des considérations morales :

–        Une égale dignité avec tous les autres êtres humains. Accéder aux conditions matérielles suffisantes sans basculer dans la démesure et la toute puissance.

Des considérations politiques :

–        Un état mondial est illusoire pour l’instant.

–        Les états doivent respecter les principes de commune humanité, de commune socialité, d’individuation et d’opposition maîtrisée, une politique de la dignité et du respect des personnes.

–        Garantir un revenu de base et instaurer un revenu maximum.

Des considérations écologiques

–        Permettre une justice écologique pour laisser aux générations futures un patrimoine naturel préservé.

–        La diminution du CO2 et  le recours prioritaire aux énergies renouvelables.

–        Ne pas considérer les animaux comme du matériau industriel.

Des considérations économiques

–        L’état écologique de la planète rend nécessaire de rechercher toutes les formes possibles d’une prospérité sans croissance.

–        Rechercher un équilibre entre le marché, l’économie publique et de type associative

–        Lutter contre les dérives rentières et spéculatives

–        Développer toutes les formes de créativité : artistique, technique, scientifique, littéraire, théorique, sportive etc…

Manifeste convivialiste… Déclaration d’interdépendance, éditions « le bord de l’eau » 2013