La jeunesse » n’existe pas en tant que telle. Délimité par le critère biologique de l’âge et par quelques caractéristiques socioculturelles aussi vagues que générales, le terme jeunesse regroupe une grande variété de catégories hétérogènes. Comment comparer les jeunes des quartiers périphériques avec ceux des couches sociales moyennes ou aisées ? Les laissés pour compte voués au chômage et à la marginalité n’ont quasiment rien en commun avec les jeunes qui réussissent vaille que vaille à s’intégrer, et moins encore avec les privilégiés qui formeront demain les élites. La distance qui sépare le passé, le vécu actuel et les perspectives d’avenir des uns et des autres est profondément intériorisée au double plan individuel etcollectif. « À chacun selon son héritage ! » proclame l’inique sagesse dominante.
Mais un même défi s’impose à la génération montante dans son ensemble. Il faudra empêcher qu’une prolifération incontrôlée de la finance et de la technologie détruise la planète et engloutisse l’humanité. La rapine visant à maximiser les profits immédiats hypothèque l’avenir. Si l’ado de banlieue et le futur trader ne sont certes pas logés à la même enseigne, l’un et l’autre subiront tôt ou tard les méfaits de cette folle fuite en avant. Qu’ils s’en indignent ou en tirent parti dans l’immédiat, tous les jeunes se trouvent en position de victimes potentielles d’une évolution mortifère. Sauront-ils acquérir le discernement et la pugnacité que commandent les périls écologiques et socioéconomiques de notre temps ? Sauront-ils innover pour instaurer un monde plus juste et plus solidaire ? Avec quelles références et quels moyens ?
L’avenir dépendra forcément de la créativité des jeunes, ou de leur démission. C’est eux qui fourniront à leur tour les parents et les responsables de la cité. Foin des résistances profanes et religieuses qui se cramponnent au passé en l’idéalisant, qui stigmatisent le changement pour pérenniser les pouvoirs et les avoirs de l’ordre établi ! La génération qui monte aura à réussir une mutation de civilisation plus décisive par sa promptitude et par l’ampleur de ses enjeux que celle du néolithique. Un défi qui exige d’accéder à une profonde intériorité, d’inventer des modes de vie et d’engagement inédits, d’oser repenser et refaçonner le monde pour sauvegarder l’homme. En plus de la Parole toujours neuve issue des origines, l’époque actuelle dispose de capacités plus prodigieuses que jamais pour humaniser la planète.
Il n’y aura pas de Grand Soir, mais la vie invente la vie. Il faudra qu’elle l’emporte sur le culte du veau d’or qui sacrifie les valeurs personnelles et collectives sur l’autel du profit ! Pour cela, ce n’est pas de morale ou de religion que les jeunes ont le plus besoin, c’est d’abord de pouvoir imaginer que la vie peut encore s’offrir juste et belle, que l’amour peut encore fleurir et fructifier. Mais qui croira avec eux à cette « bonne nouvelle » en respectant leur fragilité et leur liberté ? Pour les aider à vivre heureux et à rendre le monde plus fraternel, il faut les accueillir tels qu’ils sont, se mettre à l’écoute de leurs aspirations et de leurs souffrances, soigner leurs blessures et leur rendre confiance, leur assurer les formations et les emplois dont ils ont besoin, se battre pour eux et à leurs côtés pour instaurer des politiques plus humaines.
Jean-Marie Kohler
Sommaire des articles du dossier
Jeunes nous rêvions de changer le monde. Nous espérions que les progrès des sciences liés à une plus juste répartition des richesses de la terre et au respect universel des droits de l’homme apporteraient à l’humanité une période de félicité inconnue jusqu’alors. Aujourd’hui, quel héritage laissons-nous aux générations montantes ? Les jeunes ont raison de nous critiquer de n’avoir pas fait du travail un droit, d’abandonner l’économie à la finance internationale, d’épuiser les richesses de la terre par leur exploitation incontrôlée.
Leur avons-nous au moins laissé les moyens de relever les défis auxquels ils seront confrontés ? L’époque actuelle dispose de prodigieux moyens de communication entre les personnes. Aidons-les à s’en servir pour humaniser la planète. Les sciences humaines contribuent activement à l’épanouissement des personnes. Faisons de nos écoles des lieux de créativité.
Que faut-il encore aux jeunes pour vivre heureux et pour rendre le monde plus fraternel ? Peut-être que nous soyons à l’écoute de leurs aspirations et de leurs doutes. Que nous les accueillions avec leurs fragilités et leurs souffrances. Qu’à notre contact, ils trouvent confiance en eux-mêmes et que s’éveille en eux l’espérance dans un avenir qui leur laissera le temps d’aimer et d’être aimés. Du bonheur pour ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, des plus anciens aux plus jeunes.
L’essentiel est reçu, mais tout est à réinventer (Jean-Marie-Kohler)
Face à la dislocation des structures sociales et des solidarités traditionnelles par une globalisation ultralibérale deshumanisante, il est nécessaire de repenser le devenir des jeunes en se référant aux valeurs humaines universelles. Celles-ci sont à réinterpréter en fonction des réalités contemporaines largement inédites.
Que vivent les jeunes en France ? (Anthony Favier)
Pour les anciens, les jeunes n’ont pas toujours bonne presse. En fait, dans nos sociétés du changement, les aînés connaissent-ils réellement les jeunes ? Ceux-ci furent nombreux à répondre à des questions que leur posait France 2 sur leur identité, leurs désirs, leurs préoccupations… Ecoutons-les. Nous révéler leurs codes et leurs goûts. Nous dévoiler leurs aspirations au bonheur et leur besoin de reconnaissance. Nous confier leurs craintes de l’avenir.
Un choix lucide et audacieux (Lucienne Gouguenheim)
Les responsables politiques ont choisi de sauver les banques, quitte à endetter lourdement les Etats et à limiter l’accès aux biens communs tels que l’argent et le travail. Pour les jeunes, la sortie de cette crise passe par la transition écologique qui exige une restructuration économique accompagnée de créativité sociale et politique.
Jeunesse en mouvement (Jean-Bernard Jolly)
L’expérience apprend rapidement aux jeunes que la débrouille individuelle n’est pas efficace dans la durée et que l’union fait la force. Les jeunes désirent prendre en charge leur devenir propre et celui de leur environnement acquérant ainsi des compétences et le sens des responsabilités si possible sous l’œil critique d’adultes.
La jeunesse étudiante chrétienne (JEC), un mouvement de jeunes pour les jeunes et par les jeunes(Jean-Paul Blatz)
« Voir, Juger, Agir » : les méthodes de la JEC ont formé plusieurs générations de femmes et d’hommes aujourd’hui en responsabilité dans la vie politique sociale et économique. Le mouvement s’est engagé pour la justice et la paix. Il a traversé les crises de la société et a toujours su évoluer et s’adapter aux changements.
Le cadeau de Taizé aux jeunes (Jean-Paul Blatz)
Rapprocher les jeunes : tel fut et reste l’objectif des frères de Taizé. Rapprocher d’abord les jeunes de confessions différentes. Rapprocher ensuite les jeunes de toutes les régions européennes. En faisant d’eux les acteurs responsables d’une Europe des libertés, de la démocratie, des droits humains et de la solidarité.
Des ponts jetés entre les âges pour un meilleur « vivre ensemble » (Françoise Gaudeul)
Des liens se tissent entre aînés et jeunes. Discrètement, mais pour le plus grand bien des uns et des autres. Nous en sommes tous témoins dans la vie quotidienne. Confidences échangées, petits servicesrendus, solitude brisée…
Engagements dans le social et la politique, quoi et comment ? (Jean-Pierre Schmitz)
Beaucoup de jeunes souhaitent s’investir au service de la collectivité. Certains feront un métier de cet engagement. D’autres souhaitent un service civique obligatoire pour garçons et filles. D’autres encore sont prêts à prendre des responsabilités politiques en vue du bien commun.
Génération indignée (Jean-Paul Blatz)
Les jeunes sont sensibles aux injustices, à la violence, à la haine. Et ils s’en indignent en mouvements aussi spontanés qu’éphémères. Quel est leur poids face aux gouvernants ? En démocratie, ne faudrait-il pas privilégier les engagements à long terme, dans des organismes dont le rôle est de réguler les relations entre tous les acteurs de la vie publique, politique et économique ?
La formation et la transmission des valeurs, en panne ou en pleine mutation ? (Georges Heichelbech)
L’école républicaine a pour ambition de donner à tous les jeunes la même éducation et les mêmes chances de réussite dans la société. De nos jours on reproche souvent au système éducatif de ne pas préparer tous les jeunes au marché du travail. Comment l’école peut-elle faire face aux défis futurs de la formation et de la transmission des valeurs ?
Jean-Paul Blatz
Sommaire du n° 62 : Les jeunes entre héritage et avenir
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