Trop de Pape…peut-être ?…
La fédération Réseaux du Parvis, dont je suis Président, trouve ses racines dans l’esprit de Vatican II et le choc de Mai 68. Nous sommes des chrétiens critiques et de propositions, affirmant principalement notre fidélité à l’Evangile, la prise en compte des avancées du Concile et la liberté de recherche spirituelle.
Je suggère d’élargir le thème proposé à la question plus vaste de l’autorité dans l’Eglise et des rapports entre la hiérarchie et la communauté des chrétiens.
Peut-on envisager une Eglise autre, un pape autre, qui doit-il être, quel pourrait être son rôle ?
Le mot papolâtre suggère un culte outrancier, une passion sans limite, un pape devenu vedette, voire le centre de la foi. L’immense majorité de ceux qui se pressent autour du pape lors de ses sorties publiques expriment sans doute une foi sincère.
Benoît XVI est un grand esprit, un intellectuel de haute volée. Il a subi des attaques injustes et regrettables, par exemple ce qui a été dit sur son enrôlement de force dans les Jeunesses Hitlériennes quand il était enfant.
Telle qu’elle est conçue jusqu’à maintenant, la fonction est écrasante surtout pour un homme âgé, c’est peut-être une mission impossible.
Nous contestons beaucoup de ses positions sur le célibat des prêtres, le ministère des femmes, la sexualité, contraception etc…, et nous n’aimons guère les pompes vestimentaires, liturgiques,… qui caractérisent son personnage social apparent. Si des symboles restent nécessaire pour identifier la fonction, ils doivent souligner l’humilité et la simplicité et non la magnificence.
Trop de pape où ? trop de pape pour qui ? Est-ce qu’on peut dire trop de pape dans les media ?
Ou alors trop de pape dans l’Eglise, ou dans le Christianisme ?
Sans doute oui, si l’on considère que L’Eglise, c’est avant tout la communauté des Chrétiens.
A la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi pendant de longues années avant son élection, Benoït XVI met Le mot « vérité » au centre de son langage. L’Eglise Institution est-elle détentrice exclusive de la vérité ?
En fait nous vivons l’héritage d’une histoire.
La papauté n’a commencé à devenir ce qu’elle est actuellement que lorsque le Pape s’est adossé au Chef d’un Empire, en séparant les deux pouvoirs, politique et religieux, de celui-ci. L’Empereur obéira alors au Pape pour tout ce qui relève de la religion. Ce fut vraiment l’institution de la papauté en tant que pouvoir universel.
Il y a toujours des restes de pouvoir étatiques exercés par le Vatican.
Au fur et à mesure que ses pouvoirs temporels se réduisaient, L’Institution Eglise a cherché à maintenir, et si possible renforcer son autorité en matière de foi.
Roma locuta, causa finita !
Doit-on obéir à la hiérarchie ecclésiastique de la même manière que l’on est tenu par des lois dans la société ; Je paie mes impôts, je respecte l’ordre public etc…
L’Evangile, que l’Eglise nous a transmis, n’est pas un appel à obéir à des autorités, fussent-elles religieuses, mais un message de libération.
Pierre de Locht (expert à Vatican II, moraliste et ami de Parvis) s’était exprimé à ce sujet :
Transgresser, ce n’est pas s’opposer, c’est avancer au-delà des normes actuellement établies, afin de mieux répondre aux exigences humaines et évangéliques.
Faut-il une autorisation pour faire ce que l’on croit mieux ?
Aujourd’hui, la contestation vient de surtout de l’intérieur de l’Eglise.
Est-ce que cela veut dire que le pape et les structures hiérarchiques sont inutiles ? Non, mais il faudrait peut-être voir les choses tout à fait autrement.
On peut souligner que Jésus n’est pas responsable de l’organisation et du fonctionnement actuel de l’Église Catholique, ni d’aucune autre Église d ‘ailleurs. On trouve dans l’Evangile des textes clairs sur le refus par Jésus lui même de la Royauté et autres pouvoirs,
Une Eglise devrait être un réseau de communautés, et non une sorte de monarchie de nature pyramidale. On peut appeler Pape le responsable du Synode (mondial) élu comme garant de l’unité de l’Eglise dans la diversité.
Le théologien Joseph Moingt, dans un livre d’entretiens avec des membres de notre fédération, nous dit :
Le pape est le gardien de la tradition, chargé de la maintenance de la vérité et de l’unité de la foi, mais cela ne veut pas dire chargé de la maintenir perpétuellement uniforme et inchangée dans son langage. Le pape est donc utile pour empêcher la multiplication des formules de foi qui aboutirait à un émiettement tel que les chrétiens ne se comprendraient plus – outre le danger de ne plus tenir la même foi. Il intervient comme régulateur, pas comme révélateur.
Il faut rappeler la devise de Benoît XVI : Coopérateurs de vérité (exhortation de Pierre rapportée dans la 3ème épitre de Jean), ce qui rappelle aussi: Celui qui fait la vérité vient vers la lumière (Ev de Jean)
Le texte de cette même épitre nous dit aussi que cette recherche de vérité doit être une démarche collectiveavec des étrangers.
Dans L’Errance, Bernard Feillet nous dit :
Ce que nous demandons à l’Eglise c’est de ne pas rendre Dieu impossible aux hommes, c’est de respecter les voies qu’ils explorent, de les aider à en découvrir le sens, d’accompagner tous ceux qui le lui demandent sur le chemin où ils cherchent Dieu.
Le sens de la vie, c’est de faire l’expérience du mystère de Dieu, du Divin, et découvrir l’espace de liberté qui nous est offert. On peut pour cela éprouver du doute, peut-être de l’angoisse, mais on existe véritablement comme personne humaine que si on vit cette expérience. L’Institution doit éclairer le chemin, non le tracer.
Alors, peut-être faut-il passer par cette peur que le thème de ces journées évoque en nous interpellant « Faut – il avoir peur ? »
Jean-Pierre Schmitz
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